La vie du marché de l’eau dans l’agglomération de Bordeaux n’est décidément pas un long fleuve tranquille.
En 2011 on annonçait aux bordelais le retour en gestion directe (régie public) de l’eau potable, qui avait été délégué à la Lyonnaise des Eaux en 1991, sous la mandature de Jacques Chaban-Delmas, pour une durée de 30 ans. Il à été convenue que à compter du 31 décembre 2018, la gestion de l’eau (distribution et assainissement) ne sera plus confiée à un géant industriel privé, mais assurée en régie par la CUB elle-même. info
Revirement décisif à la Métropole en 2015: adduction et assainissement ne seront pas gérés en régie, mais via un contrat d’affermage avec un opérateur privé. info
Alors que la Communauté urbaine avait voté en 2011 la création d’une régie publique pour gérer le très sensible marché de l’eau – adduction d’eau potable et assainissement -, les élus de la Métropole ont décidé le 10/07/2015 de ne pas poursuivre dans cette voie.
À partir de 2019 pour l’assainissement, et 2021 pour l’adduction d’eau potable, la gestion de l’eau dans la Métropole sera au contraire confiée à un fermier. Lequel pourra être La Lyonnaise, actuel délégataire du marché, ou un autre industriel du secteur.
A Bordeaux il faut distinguer entre deux types de contrats de la gestion de l’eau:
Actuellement, le marché de l’eau dans l’agglomération est divisé en deux : un contrat de concession pour la distribution (ou adduction), un contrat d’affermage pour l’assainissement. Tous deux confiés à la Lyonnaise des Eaux pour des durées différentes. La société gère l’adduction jusqu’en 2021 ; l’assainissement a été renouvelé fin 2012 pour la période 2013-2018. Le vote du 8 juillet 2011 avait implique le lancement d’une délégation de service public transitoire pour le seul assainissement. Une régie commune aux deux services, assainissement et distribution, sera ensuite lancée le 1er janvier 2019.
De retour à la présidence de la CUB, Alain Juppé avait annonce en 2014 une remise en question de ce choix d’un retour en régie public, au moins à la date prévue du 1er janvier 2019. info
« Il faut étudier le coût de cette rupture anticipée du contrat, ainsi que les moyens d’y parvenir », déclarait Alain Juppé avant le dernier conseil de Cub en mai 2014.
Alain Juppé n’excluait plus de repousser le passage en régie à la prochaine mandature. Contactée le mardi 3 juin 2014 par Rue89 Bordeaux, la nouvelle vice-présidente en charge du dossier, la maire d’Artigues Anne-Lise Jacquet, s’est montrée encore plus ambiguë :
« On ne pourra communiquer sur le sujet avant 2015. Nous attendons un rapport de l’Inspection générale pour peser les avantages et les inconvénients ; nous n’avons pas encore tous les éléments pour savoir si on revient en régie ou si on reste en Délégation de Service Public (DSP). La décision politique prise par Vincent Feltesse ne nous engage pas. » Vincent Feltesse à été engage dans le combat pour un retour de la gestion en régie public (transparence dans la facturation) et pour y mettre un terme au PPP qui désavantage les consommateurs bordelais.
Le vendredi 10 Juillet 2015 c’était facile pour Alain Juppé de mettre en œuvre sa politique, il était cohérent avec lui-même. En revanche la gauche a loupé une occasion historique en 2011. Gérard CHAUSSET (Adjoint au maire de Mérignac) rappel également le rôle non négligeable d’Alain Rousset qui avait vu juste en créant l’inspection générale de l’audit. L’IGA a bataillée rudement contre la Lyonnaise en s’appuyant notamment sur les révélations de Trans’Cub mais également sur le combat des associations de consommateur et des écologistes qui dénonçaient depuis des années ce contrat léonin.
Pour comprendre les ressorts de ce dossier compliqué, il faut remonter vingt-trois ans en arrière et cette incroyable délégation de service publique confiée par Jacques Chaban-Delmas à la Lyonnaise des eaux de son ami Jérôme Monod, pour une durée de trente ans, sans que les élus de la CUB n’aient leur mot à dire. Un contrat léonin qui illustre comment, à l’époque, les collectivités livraient à l’aveuglette des pans entiers de leurs compétences à des groupes privés, dans des conditions très avantageuses pour eux. En 1997, le président de la CUB Alain Juppé essaie de redonner la main à la collectivité, avec le vote d’un avenant permettant de renégocier le contrat avec La Lyonnaise. Mais c’est surtout son successeur, le socialiste Alain Rousset, via son IGA (Inspection générale de l’administration), qui marque à partir de 2005 un vrai retournement dans le rapport de force. L’IGA passe le contrat Chaban-Monod au crible, met au jour un trop perçu de 233 millions d’euros que La Lyonnaise sera contrainte de restituer (sous forme d’investissements). Le président suivant, Vincent Feltesse, poursuit le même objectif : sortir la CUB du joug de la Lyonnaise. En juillet 2011, il fait voter le principe d’un arrêt de la délégation de service public et la reprise du marché de l’eau en régie directe par la collectivité.
Premières signes de revirement en 2014
Mais tout change en 2014, avec le retour d’Alain Juppé à la présidence de la CUB, devenue Métropole en 2015. Fort d’une large majorité, le maire de Bordeaux fait étudier deux scénarios : gestion de l’eau en délégation (au privé) ou en régie. De son point de vue, aucune solution ne présente un avantage décisif par rapport à l’autre. D’où son idée votée hier d’une sorte de troisième voie : un contrat d’affermage qui confie toujours la gestion de l’eau à un opérateur privé, mais redonne un plus grand contrôle à la Métropole.
http://www.gerardchausset.fr/savoir-faire-mais-aussi-savoir-cher-des-grands-groupes-leau-retour-la-gestion-leau-en-regie-bordeaux
Dans le contrat d’affermage en effet, la collectivité conserve la maîtrise des investissements, des tarifs, et le marché de l’opérateur privé est remis en concurrence tous les six à huit ans. « Nous avons trois objectifs, a expliqué Alain Juppé hier. Affirmer le rôle de la Métropole, maintenir la qualité du service et les prix, et inciter l’exploitant à la performance. Le contrat d’affermage est la meilleure formule ».
À gauche, l’analyse est différente. La régie offre une plus grande transparence, alors qu’il est « très difficile de pénétrer les comptes des groupes privés », estime Alain Anziani (PS, Mérignac). Gérard Chausset (EELV, Mérignac) rappelle que l’affermage, « c’est mieux que la concession car on ne confie pas tout le dossier de l’eau clé en main au privé, mais cela reste une délégation de service public ».
Jean-Pierre Turon (PS, Bassens) rappelle, lui, que la manière dont la CUB était parvenue à reprendre la main face à la Lyonnaise « a inspiré plusieurs contrats dans d’autres villes de France. » Un effort dont la suite logique aurait été, selon lui, un passage en régie.
Depuis un demi-siècle la gouvernance de l’eau et la gestion de cette manne financière colossale ont été soustraites à tout contrôle démocratique par ce lobby qui fait prévaloir ses intérêts catégoriels sur l’intérêt général, piétinant les prérogatives des élus de la République.
Le prix de l’eau facturé au consommateur divergent fortement d’une agglomération à une autre :
– 1,98 euros TTC le m3 à Clermont-Ferrand,
– 2,23 euros à Grenoble, 2,69 euros à Paris,
– 3,38 euros à Bordeaux,
– 3,77 euros en proche banlieue parisienne.
Selon une étude faite récemment de l’Ifen, démontre que le prix de l’eau est en moyenne de 2,19 euros le m3 quand le service est assuré par une régie communale, mais de 2,93 euros quand il est délégué à un opérateur privé, Veolia eau ou la Lyonnaise des eaux le plus souvent.